23 mai 2024                               LES FEMMES ET L'AVIATION

                                     par   Charles CLAVEAU

 

Charles CLAVEAU, formé à l’École nationale supérieure des ingénieurs aéronautiques de Toulouse, passionné d’aviation intègre Turboméca en 1976. Il y reste quarante ans occupant tour à tour les postes d’ingénieur moteur, chef de service puis chef de département moteurs avant de se voir confier le poste de directeur programmes hélicoptères et enfin, responsable stratégie et marchés. Passionné par l’écriture, en activité comme à la retraite il publie de nombreux articles dans la revue « Trait d’union » comme dans le bulletin de l’Association des Amis du Patrimoine Historique de Turboméca (AAPHT) dont il assume la présidence depuis 1973. Décoré de la médaille de l’aéronautique en 2018, il vient cette même année nous présenter Turboméca dirigée par un homme d’exception, Joseph Szydlowski (ICI). On peut entendre cette histoire en quatre épisodes recueillis et conservés en podcasts par « La voix du Béarn ». Ce soir, Charles vient nous montrer comment les femmes ont toujours été présentes à tous les stades de la grande aventure de l’aviation.

 

 

Nous avons tous en mémoire quelques noms d’aviatrices célèbres comme Hélène BOUCHER, Jacqueline AURIOL ou Amélia ERARHT mais, l’aviation a été et reste encore un métier d’hommes. Sur plus de six cents constructeurs d’avions professionnels et amateurs pendant l’entre deux guerres il n’y a aucune femme. Lilian TODD, première femme à concevoir des avions en 1909 reste isolée.

 

 

Dans son exposé, Charles CLAVEAU distingue sept périodes.

 

 

Après le rêve d’envol d’Icare, il faut attendre 1783 pour voir deux hommes décoller du sol grâce à un ballon. Aucune femme n’est signalée dans les tentatives pendant cette tranche de temps.

 

 

La seconde période court jusqu’en 1903. C’est l’époque des ballons et des dirigeables. Les femmes s’y distinguent dont Élisabeth TIBLE avec son vol de démonstration devant le roi de Suède à Lyon ou Élisa GRANIN aéronaute et parachutiste en 1799. D’autres femmes entreprennent des voyages aériens plus ou moins longs. Une seule se consacre à la construction de ces engins.

 

La troisième période couvre l’essor de l’aviation avec les frères WRIGHT jusqu’en 1914. C’est un  moment riche en expériences et recherches avec la formation de très nombreux pilotes où les femmes sont peu admises. En 1914, trente-huit femmes sont brevetées quand les hommes s’y comptent par milliers. Élise Deroche, surtout connue dans le monde de l’art et du théâtre, aérostière et pilote de moto intrépide aimant le risque est la première femme brevetée au monde, seule femme parmi les cent premiers brevets délivrés. Elle s’exprime avec talent et audace dans les meetings où sa performance à Saint Pétersbourg lui vaut d’être nommée baronne par le Tsar après une brillante prestation. Son audace la conduit à prendre toujours plus de risques et dans ces exercices périlleux elle perd la vie à trente-trois ans en 1913.

 

 

La quatrième période est celle de la Première Guerre mondiale. C’est pour l’aviation l’occasion de connaître un fort développement du fait des besoins exprimés tant en appareils de reconnaissance que de bombardement. Une véritable industrie se met en place et si aucune femme n’est pilote pendant la guerre, elles tiennent une place importante dans les usines tandis que les hommes sont au front.

 

La période suivante va profiter des avancées consécutives aux progrès réalisés pendant le conflit.  Pendant l’entre deux guerres, c’est l’aviation civile qui se développe avec la création de lignes aériennes et le transport de passagers. L’industrie continue d’employer beaucoup de femmes. Si elles ne sont pas encore appelées à piloter les avions de ligne, elles constituent le personnel de cabine aux petits soins des clients. Les plus motivées pilotent lors d’épreuves sportives comme Hélène BOUCHER ou sont engagées pour reconnaître des itinéraires pour la création de lignes aériennes. Une des plus célèbres, l’américaine Amélia ERARHT, détentrice d’un record d’altitude à 4200 mètres est, avec un copilote et un mécanicien, la première femme à traverser l’Atlantique en avion. En 1932 elle réalise seule la traversée de l’Atlantique nord. Après de nombreuses et longues courses, elle entreprend de réaliser un tour du monde au plus près de l’équateur. A partir du 6 juin 1937, les étapes se succèdent avec succès jusqu’au 3 juillet où, après avoir accompli la moitié du périple, elle disparaît sans que l’on puisse situer avec précision l’endroit où la trouver. De très nombreuses hypothèses sont avancées, encore en discussions  aujourd’hui.

 

 

La sixième période correspond au second conflit mondial. Au-delà de son intérêt tactique avec ses capacités de bombardement, l’avion devient un outil stratégique en transportant l’arme nucléaire. Grâce au porte-avions il possède un grand rayon d’action.

 

 

Enfin, c’est pendant ce conflit qu’est mis au point un progrès déterminant pour l’avenir de l’aviation, le turboréacteur. Le transport de masse n’existe que grâce au turbo réacteur. 

 

Si les femmes pilotes ne participent pas aux opérations au début de la guerre, elles sont chargées de convoyer les avions construits des usines vers les utilisateurs. Très vite on les retrouve dans les cellules de conduite des opérations dans tous les pays concernés.

 

 

 

 

La première femme au monde à devenir pilote de chasse est Sabiha Gökçen, la fille adoptive de Mustafa Kemal Atatürk, fondateur de la république de Turquie.

 

 

 

L’URSS constitue une unité d’aviation féminine comprenant chasse, bombardement et attaque au sol. Elle compte jusqu’à 600 femmes avant de devenir partiellement mixte. Parmi ces femmes, Lydia Litvyak se distingue particulièrement, effectuant 166 missions de guerre avec 12 victoires confirmées. Elle n’a que 21 ans quand elle est abattue en 1943 et devient Héros de l’Union Soviétique.

Après la guerre, l’aviation bénéficiant de l’arrivée du turboréacteur connaît une croissance constante sans que les femmes accèdent à des fonctions de responsabilité dans les entreprises où elles exercent en bureau d’études ou dans les ateliers, la logistique ou l’administration. Comptant pour environ 20% des effectifs, on n’en voit pas au comité de direction.

 

Dans le pilotage, c’est catastrophique : sur 3800 pilotes d’Air France on compte 300 femmes ! C’est encore pire dans l’Armée.

 

 

 Le cas de Valérie ANDRÉ est exceptionnel. Médecin et pilote, elle s’est illustrée en Indochine comme en Algérie totalisant un nombre de missions impressionnant. Elle sera en 1976 la première femme à accéder au grade de Général.

 

 

 

 

 

On l’a constaté, tout au long de l’histoire de l’aviation, les femmes ont été représentées par des personnalités très fortes. Bénéficiant souvent d’un tempérament peu commun, de bonnes qualités physiques et d’une aisance financière confortable, elles ont réussi à se faire une place dans un milieu qui est essentiellement masculin. Des efforts sont faits ici ou là mais il faudra encore bien longtemps avant d’espérer la parité dans ce milieu, comme dans d’autres.

 

Pour aller plus loin :

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Les images illustrant le texte et celles de la galerie ci-dessous viennent de photos prises pendant la conférence et d'internet.