2 décembre 2021                                   Bastides du bassin de vie de NAY

                                                                 par Jean-Paul VALOIS

                                                                      Salle Jean-Pierre Léris

 

                                        45 personnes sont venues entendre le conférencier
45 personnes sont venues entendre le conférencier

 

 

Jean-Paul Valois, de la Fédération des Bastides d'Aquitaine et désormais chercheur associé à l'Université de Pau et des Pays de l’Adour (équipe Identités-Territoires-Expressions-Mobilités) nous a présenté une synthèse de ses travaux récents, qu'il a complétée par quelques observations de "flânerie dans Gan". Nous le remercions de nous avoir transmis le résumé de son intervention.

 

 

Il est présenté ci-après :

 

 

 

Les bastides sont rattachées actuellement à l'évolution vers les États modernes. Il convient d’insister sur le fait que le XIIIe siècle est une période charnière, dans laquelle les changements sont rapides : diffusion des écrits, émergence d'une science juridique, apparition de chambres de comptes qui stockent des registres, centralisme croissant dans l'Eglise, les Royaumes et les principautés.

 

Les bastides apparaissent alors comme un dispositif d'aménagement du territoire. Cette appellation un peu large permet d'englober leurs différentes facettes : ici noyau urbain conséquent, là simple village rural, là encore remembrement agraire voire simple statut juridique accordé.

 

Le bassin de vie de Nay nous en offre des exemples particulièrement intéressants. La cohérence des plans, la période resserrée de création permettent de pressentir un projet commun, se traduisant par des places d'environ 70 m de côté, chaque côté accueillant 8 maisons très probablement.

 

On est conduit de ce fait à présumer un projet politique homogène pour ces bastides-là, créées à raison d'une tous les 5 ans entre 1330 et 1350. L'hypothèse proposée est une réponse juridique du vicomte du Béarn à un conflit politique survenu entre l'autorité vicomtale et les communautés rurales : les communautés ossaloises en particulier revendiquaient haut et fort leurs droits de pâture sur les landes du Pont-Long et ont probablement "poussé le bouchon trop loin" en faisant reconnaître par écrit leurs droits, profitant astucieusement d'une vicomtesse Jeanne d'Artois peu au fait des subtilités béarnaises, puis en allant faire des démonstrations de force armes à la main et bannière déployée. La création des bastides Gan-Rébénacq commence vers 1330/32, juste quelques années après que la "charte de la Dame Jeanne", accordant ses droits sur le Pont-Long ait été définitivement validée. L'opération porte globalement sur 8 700 ha zones de libre pâture qui deviennent des terres à cultiver, sous contrôle vicomtal direct, et lui rapportant désormais les taxes sur les maisons et les espaces agricoles (taxes définies par les notaires vicomtaux, ancêtres de nos taxes d'habitation ou par foyer fiscal).

 

 

La porte de Gan témoigne des efforts de mise en protection déployés sous Gaston-Fébus. Les bastides conséquentes étaient protégées (porte d'accès, canaux, palissade voire muraille sommaire), rares sont celles qui étaient associées à une fortification militaire avérée, c'est le cas de certaines bastides précoces, ou de celles emmuraillées à l'approche de la Guerre de Cent Ans, voire plus tardivement (Navarrenx).

 Gan conserve aussi de cette période sa magnifique place carrée centrale, et les belles rues rectilignes qui s'en échappent. L'habitat a été reconstruit, notamment suite à un incendie survenu au XVIe siècle.

 

 

 

 

 

 

Hormis quelques édifices célèbres (tel le château de Pierre de Marca), Gan conserve différentes maisons d'allure ancienne. Les modes médiévales ont perduré longtemps en Béarn, ce qui nous vaut à Gan un nombre notable de maisons "pignon sur rue" avec charpente à coyau.

 

 

Une mode différente s'est diffusée, à partir de la Renaissance dans les châteaux princiers, elle se répand dans les villages ruraux aux XVIII-XIXe siècles, particulièrement pour les réalisations plus prestigieuses : l'entrée se fait alors sur le côté allongé, la façade est organisée de façon symétrique, et des rappels du vocabulaire de l'Antiquité font leur apparition (denticules, agrafe ...). La mairie actuelle en fournit un bel exemple.

 

Mairie, faite en imitant les canons de disposition des baies des grands châteaux Renaissance. Les travaux réalisés au XXe siècle accroissent l'importance prise par le verre dans les baies.

 

 Une évolution importante des vantaux se fait au XIXe siècle : les vantaux en bois plein (planches croisées ou portes à cadre) laissent la place à des surfaces vitrées, protégées par des grilles en fer forgé. Au XXe siècle, c'est le coût encore abaissé du verre qui lui fait conquérir l'espace dans le vantail, faisant disparaitre presque totalement dans certains cas tout élément de boiserie.

 

Ici ou là quelques dates gravées dans la pierre confirment une évolution des baies assez proche de ce qui a été observé ailleurs (à Rébénacq ou dans les bastides voisines).

 Encadrements typiques : à gauche   XVIIIe (date 1767, noter les pieds droits très sobres), à droite milieu XIXe probable, avec imposte, motifs en étoile ou religieux, adaptant librement le vocabulaire de l'Antiquité alors revenu à la mode.

 

                                                                                Jean-Paul VALOIS répond aux questions
Jean-Paul VALOIS répond aux questions