21 avril 2022 -  René Marie Castaing à Bizanos

 

Caroline BARROW nous a donné rendez-vous devant l’église Saint-Magne de Bizanos pour nous présenter des œuvres du peintre béarnais René-Marie Castaing.

 

 

René-Marie Castaing

 

Fils du peintre Henry-Joseph Castaing, René-Marie voit le jour en 1896. Il poursuit des études classiques au collège de l’Immaculée Conception. Très tôt son père qui décèle ses dons pour le dessin assure sa formation. Il expose dès 16 ans des aquarelles et intègre le salon des Artistes français à 17 ans.

 Engagé volontaire en 1914, il est envoyé en Champagne, en Lorraine puis en Macédoine. Démobilisé en 1919, il est admis en 1920 à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts. Il participe alors à de nombreux concours où il obtient rapidement des prix.

 En 1924 il se présente au concours du Prix de Rome. Il y gagne le Premier Grand Prix de Rome de Peinture avec le tableau « Jésus chez Marthe et Marie » dont l’esquisse au pastel est détenue par le Musée des Beaux-Arts de la ville de Pau.

 En 1925 il s’installe à la Villa Médicis. Il épouse Marie d ’Espalungue d ’Arros qui lui servira souvent de modèle. Jusqu’en 1928 il réalise à Rome peintures et dessins, publie des articles et reçoit des prix.

 En 1928 il s’installe à PAU dans l’ancienne maison-atelier de son père décédé. L’année suivante, l’Académie de Béarn organise une exposition très réussie où sont présentés les travaux de ses « Trois ans d’École de Rome ».

 Il reçoit en 1930 commande de la décoration de l’église de Bizanos. Il y consacrera six années de 1931 à 1936, tout en poursuivant la réalisation de portraits, de décors d’autres églises et demeures en Béarn.

 De façon continue, il affiche une prédilection pour les sujets religieux, profondément imprégné de son éducation religieuse tant dans sa famille que dans l’institution de l’Immaculée Conception.

  Jusqu’à la fin de sa vie en 1943 à seulement 47 ans, il a continué à satisfaire de très nombreuses commandes tant pour des édifices religieux (Bidache, Saint-Pé-de-Bigorre, Saint Goin, Salies-de-Béarn, Saint-Bertrand-de-Comminges, Auch…) que pour des institutions publiques (Préfecture de Pau) et privées.

 

 

Jésus chez Marthe et Marie
Jésus chez Marthe et Marie

 

L’église de Bizanos

 

Après la guerre, de nombreuses églises endommagées ou détruites doivent être décorées. Les artistes et les artisans sont encouragés à montrer leur foi plutôt que leur érudition en créant un art chrétien moderne. René-Marie Castaing inscrit son œuvre dans ce mouvement de renouveau de l’art sacré. Cette influence est évidente dans les décors de l’église Saint Magne.

 Dès l’entrée on est saisi par l’ampleur et les couleurs du décor, vingt-huit peintures couvrent une surface de plus de 200m². On notera que toutes ces peintures ont été réalisées sur toile en atelier puis marouflées.

 

Au fond de l’église trois personnages incarnent les vertus théologales : le Christ en croix pour « la Charité » au-dessus de la porte d’entrée et, de part et d’autre, deux figures féminines pour « la Foi » et « l’Espérance ».

 Au fond du bas-côté droit, la chapelle dédiée au souvenir des morts de la Grande Guerre abrite une « Pietà » -envoi de Rome- de 1926 que l’artiste a offerte à l’église.

 Au centre du chœur, un « Couronnement de la Vierge » où l’on retrouve dans le visage de la vierge les traits de l’épouse du peintre.

 De part et d’autre de ce tableau, douze emplacements séparés par des colonnes et colonnettes reçoivent non pas les apôtres mais des saints plus proches de nous tels « Sainte Clotilde », « Sainte Jeanne d’Arc »,  et des bienheureux tels « Michel Garicoïts », « Bernadette Soubirous », « Bernard de Morlaas »… Ces figures ont quelque chose de fruste et pittoresque à la fois.

 Dans la partie droite du transept, une grande toile montre « l’Adoration des Anges devant le Sacré-Cœur ».

 L’autel de Saint Joseph a aussi été traité par René-Marie Castaing.

 Dans la partie gauche du transept, une autre grande toile présente « l’Hommage des habitants de Bizanos à leur patron Saint-Magne ». Ici, la scène se passe sur terre, au village même de Bizanos que l’on voit derrière. Dans la partie gauche du tableau, les habitants identifiés ont servi de modèle et le peintre et son épouse comme ses enfants sont présents dans le tableau. Dans la partie droite, l’artiste a tenu à représenter les lavandières respectant les coutumes du lieu et rappelant des peintres comme Daumier par exemple.

 L’autel de la Vierge décoré par l’artiste montre toutes les figures convergeant vers la statue de la Vierge placée au centre. On reconnaît Saint Dominique à gauche, Saint-Jean à droite et devant, prosternée, Bernadette de Lourdes récemment canonisée.

 Dans la nef, au-dessus des ouvertures en tiers-point qui séparent la nef des bas-côtés de l’église l’artiste a pu donner la pleine mesure de son art. Huit peintures, chacune séparée par une colonne illustrent les huit principaux articles du Credo comme il l’avait souhaité conjointement avec l’abbé Cassou, commanditaire.

  « La Création », présente un Créateur inspiré de celui de Michel-Ange. On retrouve bien tous les éléments : lumière, terre, mer, végétaux, astres, animaux et le premier couple humain…

 « La Nativité » exprime la joie et montre à droite une représentation traditionnelle de la Vierge tandis qu’à gauche, les bergers sont autant pyrénéens qu’orientaux.

 « La Montée au Calvaire » oppose à gauche la violence renforcée par le choix des couleurs et à droite le désespoir par l’échange de regards entre le Christ et la Vierge soutenue par Saint -Jean sur le fond terne du Golgotha.

 « La Résurrection » pourrait surprendre par la quasi-absence du Christ mais ce procédé est utilisé chaque fois que le peintre aborde l’aspect surnaturel. L’accent est là mis sur la terreurs des gardes romains effrayés par un évènement sidérant.

 « L’Esprit Saint » regroupe des personnages en arc de cercle avec un jeu de couleurs rehaussant la scène. Il est possible que des paroissiens qui ont financé cette toile, montrant leur engagement, aient pu servir de modèles.

 « L’Église Catholique et la Communion des Saints » est un don personnel de l’abbé Cassou, représenté sur la toile, montrant à ses fidèles le chemin vers le Christ et le Paradis. On voit encore ici en robe rouge l’épouse du peintre et un de ses enfants. Le Christ glorieux occupe le centre du tableau. A droite, les mains du purgatoire se tendent vers un ange. On remarque encore ici l’évocation du surnaturel en estompé.

 « La Rémission des péchés » met en évidence deux rayons qui des mains du Christ éclairent les hommes. Derrière le bon larron Saül est aveuglé et tombe de cheval. A côté, le roi David s’appuie sur sa harpe tandis que Pierre pleure pour avoir renié son maître. A droite de la pécheresse, l’abbé Domengine, ami de l’artiste donne l’absolution aux pécheurs.

 « La Résurrection » de la chair exprime le mouvement, renforcé par les couleurs flamboyantes. A gauche, un ange attire les croyants vers le Ciel, toujours mystérieux, tandis qu’à droite les anges repoussent les damnés vers l’enfer dont on voit bien le reflet enflammé sur les ailes. Cette toile, présentée au salon des Artistes français en 1936 y a obtenu la médaille d’or comme cela est annoté au bas du tableau.

 

L’ensemble du décor de l’église de Bizanos est inauguré le 5 janvier 1936. La presse locale commente abondamment la cérémonie.

 René-Marie Castaing a réalisé là une œuvre de grande envergure où au fil du temps on l’a vu évoluer vers une grande liberté d’expression et une maîtrise qui s’affirme comme en témoignent les premières toiles du chœur puis celles de la nef. Cet ensemble consacre son talent de peintre religieux et lui vaut de nombreuses commandes d’importance.

 

Pour aller plus loin : « René-Marie CASTAING – œuvres décoratives – par Annie Roux-Dessarps – Éditions Cairn »

 

Le galerie d'images ci-après vous donnera sûrement envie d'aller sur place profiter de la richesse des décorations de cette église.