13 avril 2023

LE VOYAGE DE L’ÉMIGRANT

Régine PEHAU-GERBET et Pierre CASTILLOU

 

Professeur d’Histoire et Géographie, Régine Péhau-Gerbet a longtemps vécu à Bedous et s’est prise de passion pour la Vallée d’Aspe dont elle a rencontré les habitants, en particulier, dans les années 80, les derniers témoins de l’aventure de la construction de la voie ferrée de Pau vers l’Espagne. Elle était venue nous en parler le 28 mars 2012 et avait publié l’année suivante : Le Transpyrénéen en Vallée d’Aspe, une construction et des hommes.

Retraitée et disposant de temps, Régine s’est repenchée sur le sujet, imaginant la vie pendant cette période au hameau des Forges d’Abel dans le roman : La maîtresse des Forges en 2017 puis dans une aventure entre l’émigration vers les Amériques et la Vallée d’Aspe dans le roman L’inauguration en 2019. Avec la vallée d’Aspe, l’ Emigration est en effet l’autre sujet de recherches qui occupe et passionne l’historienne. Investie auprès de l’Association pour la Mémoire de l’ Emigration (AME), dont elle est vice-présidente, Régine collabore à la revue Partir depuis 2011 et signe des articles sur l'histoire de l'émigration pyrénéenne aux Amériques et dans le monde. Elle nous en avait fait profiter le 24 avril 2018 et, au cours de son exposé avait insisté plus particulièrement sur la période qui a profondément marqué notre région, du milieu du 19ème siècle jusqu’au conflit de 1914-1918. Plus de 150 000 Béarnaises et Béarnais ont alors quitté leur terre natale rencontrant souvent beaucoup de difficultés.

Par deux fois Pierre Castillou est venu nous entretenir du Haut-Aragon. Le 18 mai 2017 avec les Ermitages du Haut-Aragon, ce Haut-Aragon qu’il aime tant et qu’il a parcouru dans tous les sens.  Le 19 mai 2022 il nous a présenté les églises mozarabes du Serrablo.

Né à Oloron Ste Marie, il y a 70 ans, Pierre Castillou est tout à la fois sculpteur, illustrateur d'ouvrages, écrivain voyageur et romancier.

Parmi ses nombreuses sculptures, trois monumentales sont en Béarn : La légende de St Grat et le Cinéma à Oloron Ste Marie, le Pelotari à Mont.  

Pierre est illustrateur, d’abord de ses propres livres, mais aussi de ceux d’autres auteurs : Les rues de Pau de Michel Fabre, La cathédrale Sainte Marie d'Oloron et Amour et érotisme dans la sculpture romane de Pierre-Louis Giannerini. Il a aussi illustré un ouvrage consacré aux Poilus Oloronais intitulé « Lettres à l’oncle Paul ».  

Sa passion pour l’Art roman l’a conduit sur des chemins d’art et d’histoire et sur ceux de Compostelle. Ces pérégrinations ont donné des récits illustrés de dessins et d'aquarelles :  Regards sur le Chemin de Compostelle, La Voie d'Arles, Chemin et Histoire cathares, Le Haut-Aragon et ses ermitages, Le Haut Aragon et ses églises mozarabes.

On retrouve encore l’Aragon aux multiples visages dans : Guide de l'Aragon en 54 balades.

Le romancier trouve ses sujets aussi bien en France qu’en Aragon, en Amérique qu’en Afrique avec : L'incendie de Boukassa, Sasé village abandonné, Les frères Celhay, Les barbelés de l’âme.

Comme Régine, Pierre effectue des travaux au profit de l’Association pour la Mémoire de l' Emigration et collabore à la revue Partir.  Son dernier ouvrage date de 2022 : Sources et bains ; Aspe Ossau, Barétous et Soule dont nous ne manquerons pas de lui demander la présentation lors d’une prochaine conférence.

 

 

Partant du récit d’une traversée particulièrement difficile s’achevant par le naufrage du voilier sur les côtes sud-américaines, les conférenciers nous ont transmis une vision très complète de l’émigration vers les Amériques, de l’époque du bateau à voile aux paquebots les plus modernes du début du XXe siècle. Nous savions que le sud-ouest avait été très concerné, les volontaires pour le voyage gagnant du Béarn, de la Bigorre ou du Pays basque les ports de Bayonne ou Bordeaux visant plutôt l’Amérique du sud.

Nous avons mesuré l’ampleur des mouvements qui ont surgi de toute l’Europe vers d’autres ports de l’Atlantique, de La Rochelle à Saint-Nazaire, de Cherbourg au Havre visant assez souvent l’Amérique du nord.  Les motivations étaient

variées, parfois politiques mais ce sont souvent les contraintes économiques liées aux mauvaises récoltes, voire famines qui ont poussé la plupart des migrants à prendre le chemin avec l’espoir d’une vie meilleure au-delà des mers, là où on offre les terres à ceux qui les travaillent. Si au début l’aventure était très complexe pour le prétendant souvent peu instruit ni dégourdi, assez vite, des structures d’abord individuelles puis de plus en plus organisées se sont mises en œuvre pour exploiter cette nouvelle source de revenus. De véritables agences voient le jour qui livrent le voyage « clés en main », à charge souvent pour les partants de rembourser après leur arrivée. La concurrence devient vite sévère et les plus doués font tout pour attirer les migrants en se garantissant de meilleurs rapports.

Au début, le candidat au départ ne trouvera que de l’eau sur l’embarcation. Il doit se présenter avec ses provisions pour tout le voyage, ce qui peut entraîner des problèmes d’hygiène alimentaire à bord. Bientôt, il sera nourri (pas toujours bien) sur le bateau. Il y a là une source de revenu supplémentaire pour le transporteur. Des compagnies maritimes s’organisent pour capter toujours plus et mieux les partants, allant jusqu’à installer leurs agences au plus près des lieux de départ, même dans les pays d’origine. Elles créent des lignes de chemins de fer pour diriger les candidats vers leurs ports et bateaux. Elles rivalisent d’imagination pour offrir toujours plus de confort tant dans les transports vers les ports que sur ces ports d’embarquement en ouvrant des hôtels. On pourrait croire que les compagnies ont le souci d’aider les migrants mais dans les faits, elles sont seulement intéressées par la rentabilité de leurs affaires comme en témoignent les conditions de voyage qui restent difficiles sur les ponts de troisième classe où les partants sont parqués dans des espaces aménagés, avec des « couchures » qu’ils doivent acheter dans un souci de meilleure rentabilité. La manne du transport des migrants est d’un apport très apprécié à côté de celui des passagers haut de gamme toujours plus exigeants.

Les ports ont aussi bien profité de cette époque. Les migrants y séjournent quelques jours avant d’embarquer, au bénéfice des aubergistes mais aussi des commerçants. Les repas fournis sur les bateaux incitent les voyageurs à prévoir quelques provisions complémentaires…

Plus généralement, les navires qui venaient ici déverser leurs cargaisons de coton avec un retour à vide ont trouvé un remarquable filon en embarquant des cargaisons bien lucratives et l’animation des ports leur a procuré des moyens pour se développer.

Après la Première Guerre mondiale, les conditions d’accès aux États-Unis se sont durcies et rapidement le flot de candidats au départ s’est effondré pour s’éteindre pratiquement après le Crise de 1929.

 

Vous pourrez utilement compléter votre information sur ce sujet en consultant le numéro spécial de la revue « Partir » de septembre 2022.

 

Quelques images extraites de la revue Partir ou d'internet sont placées ci-après...