9 novembre 2023                     ARBRES EXTRAORDINAIRES DU MONDE :

                    LEURS SECRETS

                    Jean TOUYAROU

 

Ingénieur forestier à la retraite, Jean TOUYAROU a exercé son métier dans et autour du Béarn, couvrant essentiellement le département des Pyrénées Atlantiques et des Landes. Il a certes voyagé mais il a surtout consacré beaucoup d'énergie et de temps à approfondir sa connaissance de ce coin de pays qui l'a vu naitre et dont il est profondément imprégné. Retraité ne signifie pas inactif. La présidence de l'Association des amis du musée d'Ossau dont il assume aujourd'hui la vice-présidence témoigne de son engagement comme aussi les nombreuses visites et conférences qu'il conduit. C'est la septième fois qu'il accepte de nous faire partager ses réflexions sur des sujets qu'il vit avec passion.

 En 2017 il nous présentait « L’histoire mouvementée de la forêt pyrénéenne » à retrouver ICI ; En 2021 « Bateaux de guerre et bateaux de pêche » ICI ; en 2022 « Le langage des pierres qui racontent l’histoire de la Terre et des Hommes » ICI.

 A ces conférences s’ajoutent les visites sur le terrain où il n’a pas son pareil pour rendre le patrimoine vivant. En 2022 « Le plateau de Meillon » ICI ; en 2023 « Béost » et « Le Bénou et Bielle » ICI. Jean TOUYAROU maîtrise avec une rare facilité le talent de rendre les choses simples et surtout d'attirer l'attention sur ce que nous côtoyons tous les jours.

 

 

Le mot extraordinaire ou remarquable est particulièrement subjectif et chacun retiendra que tel arbre l’est parce que très haut, très grand ou très gros, encore très âgé, lié à une légende ou à un souvenir personnel.

 Comment ces arbres, très anciens sur terre ont-ils un pouvoir leur permettant de devenir ce qu’ils sont sans trop de dommages alors qu’ils sont contraints de survivre là où est arrivée une graine, se contentant de ce que la nature a placé autour d’elle.

 L’exposé devrait permettre de comprendre ce que certains appellent le génie, en fait, l’adaptation, l’évolution (Darwin) et même ce qu’aujourd’hui on n’hésite plus à qualifier d’intelligence de l’arbre confronté aussi à des menaces.

 

Mieux connaître l’arbre.

 

Parmi les organismes les plus anciens sur terre (Carbonifère), l’arbre existe voilà 35 millions d’années sous forme de fougères et presles retrouvées pétrifiées.

 La reproduction, indispensable à la survie d’une espèce est adaptée à chacune.

 La nutrition est identique pour tous. De l’eau transportant des sels minéraux chemine vers le feuillage et grâce à la photosynthèse, libère de l’oxygène et de l’eau, produit 

des sucres qui viennent nourrir l’arbre tandis que le dioxyde de carbone enrichit sa charpente. L’eau, les sels minéraux et la lumière sont indispensables à la vie et la survie de l’arbre.

 La croissance de l’arbre en hauteur est due à la pousse chaque année d’un élément se développant sur le précédent qui lui ne grandit pas.

  La croissance en grosseur est liée au développement du cambium situé sous l’écorce et vient chaque année ajouter une couche à l’aubier tandis que plus au centre le cœur grandit au même rythme.

Le génie de l’arbre.

 

Condamné à pousser où la graine est tombée, il doit se débrouiller et dès sa naissance, affronter le manque d’eau, la pauvreté du sol, le manque de lumière, le froid, la chaleur, le feu, les intempéries, la grêle, les blessures, la nécessité de se reproduire et souvent vivre dans une position inconfortable. Face à ces difficultés, l’arbre s’adapte et montre du génie. On le dit aujourd’hui intelligent, surtout depuis la sortie en France en 2017 du livre de Peter Wohlleben et du film tiré du livre en 2016.

 Les études manquent pour confirmer cette position et il reste beaucoup à apprendre sur le sujet.

 

 

Devant l’obligation de se reproduire, l’arbre adopte une stratégie propre à l’espèce selon qu’il est entomophile ou anémophile, attirant les pollinisateurs dans le premier cas et utilisant le vent dans le second.

 Pour la dispersion des graines, il les conçoit pour qu’elles s’éparpillent seules ou  recourt au service des oiseaux ou autres animaux dont les excréments servent aussi d’engrais.

 Pour s’alimenter l’arbre doit aussi montrer beaucoup de génie selon son implantation parfois excentrique, les racines réussissant des prouesses pour atteindre le sol nourricier.

 

Trouver de la lumière peut friser l’exploit quand la graine a germé à l’ombre. Poussant d’abord près de l’horizontale, grâce à un système de cellules impliquées dans la perception de la pesanteur, les statocytes, l’arbre se redresse et retrouve une verticalité naturelle dès qu’il est bien éclairé.

 Pour durer dans des conditions extrêmes, l’arbre s’économise et nous voyons des arbres creux et même complètement ouverts dont le cœur devenu inutile a disparu.

 Pour résister au froid, à la sècheresse, lutter contre la neige, le vent, le sable, l’eau stagnante, les agresseurs, l’arbre trouve encore des parades.

 

Le génie de l’arbre le conduit à trouver des alliés. Grâce aux champignons, des échanges gagnant-gagnant se produisent avec la symbiose. L’arbre apporte des sucres pour nourrir le champignon qui l’aide à recueillir les minéraux dont il a besoin.

 Il est curieux de remarquer comment l’arbre ménage autour de sa ramure l’espace nécessaire au développement de ses voisins tandis qu’au sol leurs racines se mélangent permettant ainsi par exemple d’apporter à une souche voisine ce qui est nécessaire pour cicatriser.

 La communication entre les arbres assure leur protection contre les animaux agresseurs, girafes ou gazelles… L’arbre agressé envoie un signal à ses voisins et ceux-ci répandent un composé organique volatil qui rend leurs feuilles inconsommables.

 Le mauvais génie de l’homme vient parfois tromper l’arbre avec un lampadaire donnant la nuit l’illusion que le jour se poursuit.

 

Des arbres extraordinaires de France et du Monde.

 

Parmi les patriarches, « Mathusalem » 4900 ans en Californie ; Old Tjikko 9950 ans en Suède ; l’olivier de Roquebrune Cap-Martin 2000 ans environ dans les Alpes Maritimes ; le Chêne de Lys 600 ans et un If rencontré par hasard dans la forêt du Soussouéou 300 à 500 ans.

 Viennent ensuite les détenteurs de records, de circonférence d’abord avec le Cyprès de Montezuma au Mexique 42m ; le châtaigner de « Caillaü » à Lys 11,5m ; records de hauteur avec « Hypérion » séquoia sempervirens 115m en Californie ; chez nous, un séquoia à Laruns 52m et au pied du pavillon des Arts à Pau 50m.

 

Devant ces hauteurs impressionnantes, comment ne pas s’interroger sur la façon dont ces arbres sont capables de hisser de l’eau jusqu’à leur faîte ? L’eau s’évaporant par les feuilles de l’arbre il se crée un phénomène d’aspiration qui suffit à tirer l’eau depuis les racines jusqu’à ces feuilles. Si l’arbre connaît une faiblesse et que le réseau s’interrompt, toute la partie située au-dessus dépérit comme on le voit au parc Darralde aux Eaux-Bonnes. Toujours dans les records, un Saule arctique en Alaska mesure 2cm à 40 ans.

 Dans les records de volume, le séquoia « Général Sherman » 75m en Californie est évalué à 1487 m³.

 Sont cités ensuite les arbres Vénérés dont le Chêne chapelle d’ Allouville en Seine-Maritime 1200 ans ; le Chêne « avaleur » de Bréiley en Haute-Saône 500 ans ; les baobabs amoureux de Madagascar.

 Parmi les témoins de l’Histoire, le « Chêne de la Liberté » de Gorhey Vosges ; le Gingko de Hiroshima (6 août 1945) au Japon ; le « Pin du Souvenir » du tsunami de 2011 au Japon…

 

 

Dans les artistes, les Hêtres tortillards de Verzy dans la Marne ; les Eucalyptus arc-en-ciel d’Hawaï ; les Bonsaïs dont le plus âgé est un Ficus millénaire.

 Enfin, parmi les insolites, le Baobab prison de Derby en Australie 1500 ans et le Baobab réservoir de Madagascar ; les arbres épiphytes en montagne ; les tilleuls de la cathédrale d’ Evry…

 

Menaces.

 

L’arbre est confronté à de multiples menaces qu’il s’agisse de cupidité avec des concours idiots visant par exemple à abattre le plus gros séquoia de Californie ; attaques de parasites comme pour l’Orme de Biscarrosse ou des platanes du Canal du Midi ; dégâts liés aux tempêtes ; exigences de la vie moderne créant des routes ; menace du très pratique principe de précaution…

 Une prise de conscience récente a conduit à la « Déclaration des droits de l’arbre » en 2019 pour « Changer le regard et le comportement des hommes » et « Faire prendre conscience du rôle déterminant des arbres au quotidien et pour le futur ».

 Déjà, ici et là, des initiatives sont prises et la concertation permet de sauver des arbres remarquables tels l’Arbre du Pendu à Pau, ce tilleul condamné par les travaux et la maladie est remplacé par un Ginko. Au Bénou, les chênes âgés verront plantés à proximité des glands recueillis à leur pied par des écoliers.

 

Le débat.

 

Que penser d’un arbre qui n’a pas d’organes vitaux mais vit très vieux ; n’a pas de cœur mais où la sève circule ; n’a pas de poumon mais respire ; n’a pas de cordes vocales et cependant communique ; n’a pas d’yeux et pourtant se redresse ?

 Enfin, « Peut-on parler d’intelligence pour un arbre » ? (selon Catherine Lenne)

 Si l’intelligence c’est percevoir le monde et répondre de façon adaptée, alors c’est Oui.

 Si l’intelligence consiste à résoudre les problèmes, mémoriser, traiter l’info et communiquer, alors c’est Oui.

 Si l’intelligence ne peut se départir de conscience, d’intention, d’émotion, alors c’est ???

 

 

Les images dans le texte sont extraites des photos prises pendant la conférence des projections effectuées  et dont vous trouverez quelques exemples dans la galerie d’images ci-dessous.