20 mai 2008                                                                 DU POITOU A SOLFÉRINO

                                                                     par Philippe Mesmin

 

 

Il est né au tout début de la Monarchie de Juillet en 1832 dans ces brandes déshéritées ; pauvres terres de groies proches de la Vallée de la Vienne en Poitou.
À l'âge de vingt ans, année du rétablissement de l'Empire par Napoléon III, il est domestique paysan au pied du château médiéval d' Artron, sur la commune d' Usson-du Poitou. Illettré comme l'immense majorité des conscrits des cantons environnants, il va devoir, deux ans plus tard, en 1854, sacrifier au funeste tirage au sort de la conscription. Il tire « un mauvais numéro », n'a pas les moyens financiers de payer un remplaçant et doit partir soldat pour... sept ans.

«Faiblesse de complexion » révèle le registre des Archives départementales de Poitiers. En clair, c'est un gringalet qui mesure un mètre soixante, un p'tit fût » comme dit sa mère. Il est pourtant déclaré apte au service.
Son existence va alors radicalement basculer. Il lui faut - non sans déchirement - tout quitter : les siens, ses copains, les lieux familiers de son hameau, son travail obscur et laborieux à la terre, et surtout son Armandine, humble chevrière dont il est éperdument amoureux. Dans cet amour bien platonique qui les lie, saura-t-elle attendre son retour ?

Philippe Mesmin a passé son enfance et son adolescence à Couhé. Il habite depuis 26 ans à Pau, après avoir travaillé de nombreuses années à Niort. Ce passionné d'histoire et de terroir raconte ici l'histoire de son arrière-grand-père, qui a toujours vécu dans le Poitou.

 

 

Extraits du livre :


Inlassablement, il y a peu de temps encore, et durant des années, mon oncle féru d'histoire, passionné dans ces recherches minutieuses mais insondables du passé, authentique fouineur des grimoires de registres paroissiaux d'Ancien Régime, m'entretenait de mon arrière-grand-père.
Ce patient et besogneux amateur mais ô combien qualifié, avait assurément cette trempe de détective jamais rassasié, toujours en quête de faits additifs, de ces détails infimes et anodins récoltés fébrilement et qui venaient renforcer sa connaissance déjà bien grande de certaines périodes de notre histoire.
Il se plaisait à me rappeler, d'un ton solennel empreint d'admiration avec parfois une pointe d'émotion dans la voix, que le grand-père maternel de mon père - mon arrière-grand-père donc - prénommé François, pauvre domestique paysan du Poitou avait combattu à la terrible bataille de Solferino en 1859.

Celui-ci, blessé au combat, se serait écrié : «mon général, il faut vaincre ou mourir !» Phrase on ne peut plus théâtrale qui me paraissait bien trop belle pour être vraie... mais que les générations suivantes avaient pieusement transmises dans le cercle de famille et dont il m'assura non sans malice et avec une totale conviction qu'elle était rigoureusement exacte.